Après mon trek en solitaire dans les Vosges, lorsqu’on a finalement décidé d’aller en Inde, un trek dans l’Himalaya m’a semblé comme une évidence. On l’oublie un peu mais l’Himalaya croise deux fois l’Inde, une fois dans le nord-est au dessus de la ville de Darjeeling, dans le Sikim et une fois dans le nord-ouest, au Cachemire.
Difficile à organiser depuis la France, nous avons avisé sur place, à Delhi.
Et je ne sais plus comment nous est venue l’idée du Cachemire, mais je me revois encore bien dire à tous le monde : « ne vous inquiétez pas, l’Inde s’est safe, de toutes façons on n’ira pas dans les coins qui craignent ».
Le fait est qu’arrivés à Srinagar (dans ledit Cachemire), avec la présence de l’armée indienne partout à cause d’un conflit latent et une population essentiellement musulmane qui nous dévisageait d’un air suspicieux… on n’en menait pas large. Je me suis quand même dit : mais qu’est-ce que je fous dans ce coin du monde où ça chauffe tous les 6 mois ?
Petit point historique : si la frontière indo-pakistanaise est tendue c’est qu’en 1947, il a été décidé de séparer l’ancienne colonie britannique en deux portions : une musulmane (Pakistan et Bangladesh séparés par la suite) et une majoritairement hindou (l’Inde actuelle) et c’est ainsi que le Cachemire s’est retrouvé divisé en deux, bien que majoritairement musulman. Les affrontements se font entre terroriste pakistanais et armée indienne. Mais tout ça se passe à la frontière qui est loin.
Bref, nous voilà au Cachemire.
A Srinagar, nous logeons dans un boathouse, un bâteau de type très british avec salon et lustre en cristal, puisque ces derniers, sous le Raj, ne pouvaient pas posséder de terres ici. Le tenancier du bateau, un businessmen un rien arnaqueur nous vend alors un trek hors de prix dans les montagnes avoisinantes. Un peu le couteau sous la gorge, on accepte.
On passe une nuit dans ce bateau qui semble vraiment sorti d’un autre temps où nous rencontrons deux brésiliens qui vont devenir nos copains de trek, bien content que nous sommes d’avoir enfin des gens proches de nous culturellement à qui parler. Nous faisons le même constat : depuis qu’on est en Inde, le seul mot qu’on entend c’est money, money, money. Mais j’en reparlerais plus tard.
(Guys from the Brazil, Thomas and Daniel, this is a word for you saying we were happy to meet you both over there. It was nice chatting and loafing with you!)
Avec notre trek en Birmanie, nous étions déjà allés loin dans le côté roots (sauvage / manque de confort) mais là, visiblement, on va jouer un cran au-dessus, un trek en autonomie dans la haute montage ! Parce qu’ici c’est la chaîne du Haut-Himalaya.
Allez en voiture Youssef ! (On adapte aux coutumes locales).
Nous voilà partis dans une vallée avoisinante, à Naranag, pour 4 jours de trek avec guide (ledit Youssef), chevaux et porteurs (oui quand même, faut pas déconner non plus! On a payé pour un trek en autonomie… de luxe – le truc un peu incompatible, je sais).
Le premier jour, après 2h de route, on arrive au point de départ à environ 2000 m. On mange puis on commence tranquillement une petite promenade qui donne l’occasion de voir la transhumance des très célèbres chèvres du Cachemire qui donnent la laine éponyme.
Elles sont belles ces chèvres avec leurs cornes torsadées et leurs barbiches si douces.
Et on découvre également deux vieux temples hindous dédiés à Shiva.
Puis on installe le campement pour le nuit, on mange et on se couche.
Je voudrais revenir sur un point. Qui dit trek en autonomie dit : pas de douches, pas de toilettes, on dort dans des tentes sur une natte, etc. tout ça par des températures autour de 10°C.
Concernant les douches, dans une eau à 2° environ, moi j’ai pas eu le courage. Hors de question de tremper la kikounette dans cette eau glacée, j’aurais eu trop peur de ne plus la récupérer. Pour le reste du corps, c’est pareil.
C’est bien simple, à partir du 3e jour, je pense que mon guide me repérait à l’odeur…
Au deuxième jour commencent les choses sérieuses: on monte, on monte, on monte. Le chemin serpente le long d’une vallée aride recouverte de conifères. Il fait beau mais an moindre coup de vent, on a froid. D’ailleurs le froid va être une de nos premières préoccupations, surtout la nuit.
On installe notre campement vers 3200 m où se découvre un panorama somptueux. A cette altitude, ce sont des cèdres de l’Himalaya qui recouvrent le sol. En brulant les écorces de ces arbres majestueux dans notre feux, la vallée soudainement embaume une odeur de cèdre envoutante.
Youssef notre guide et cuisiner nous mitonne des plats délicieux qu’on déguste dans la chaleur de sa tente.
Le soir, on fait un feux de camp, histoire de se réchauffer avant d’aller dormir dans des tentes où il doit faire 5 °C.
Au troisième jour on monte jusqu’au lac Nunkol (3500 m) au pieds du mont Harmukh (5.142 m), coiffé d’un glacier. La vue est à couper le souffle (ce qui, techniquement, vu l’altitude, est déjà fait ! On a un vrai train sénatorial, on dirait des octogénaire).
Le paysage devient lunaire, rocailleux, stupéfiant.
Un des porteurs pêche des truites et on se met tous à l’aider. Le soir, Youssef nous les mitonnera et ça change du poulet ou du mouton.
Puis on continue à monter jusqu’au lac de Gangabal à 3600 m.
Le paysage est grandiose. Y a pas d’autre mot.
L’après-midi, on profite d’un moment de calme au campement pour se reposer et moi pour écrire ces quelques lignes.
Vu mon odeur pestilentielle, j’ai quand même décidé de me laver (mais vite fait). Faut dire que même les corbeaux commençaient à me regarder de travers, me prenant pour une charogne vivante.
Au quatrième jour, on redescend. A de l’eau encore gelée, je me rend compte alors que la nuit dernière la température est descendue en dessous de 0°C. Ceci explique pourquoi nous avions si froid dans la tente, mais heureusement nous avions 4 couvertures en plus de nos sac de couchage et… une bouillotte (non vous ne rêvez pas ! Ben le temps d’écrire quelques lignes, j’avais les mains gelées donc la bouillotte était plus que bienvenue).
Déjà le calme et la magie de ces montagnes me laisse une nostalgie alors que je suis encore en train de randonner.
Nous attendons notre voiture chez un villageois (notre porteur) qui nous offre une dernière tasse de thé.
La vallée est construite de terrasses qui servent à la culture du riz.
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De retour, on retrouve la population, pas franchement accueillante, l’équipe du houseboat, pas du tout accueillante et la présence de l’armée indienne partout qui donne l’impression d’être dans une État en guerre.
L’ambiance est immédiatement pesante, voir oppressante.
On n’a juste le temps de visiter le jardin de Shalimar, histoire de voir quelque chose de beau de cette société.
Le tenancier du bateau nous demande de lui faire une vidéo et une lettre de recommandation, en prenant soin de relire et corriger chaque mot qui ne serait pas assez élogieux. On se sent pris au piège, le couteau sous la gorge. Jamais je n’ai ressenti une telle pression sur un touriste avant.
Finalement on a quand même sympathisé avec l’excellent cuisinier du bateau, tout gentil, tout mignon avec un vrai sourire qui venait tout droit du cœur (et non du portefeuille). On était tout surpris d’avoir enfin un contact avec un Cachemiri sympa et désintéressé. Et pour cause, on découvre finalement qu’il est népalais et bouddhiste.
Au final, bien que vraiment magnifique, ce n’est pas une région que je recommanderai pour un trek.
Et, de ma vie de voyageur, c’est la première fois que je me dis : c’est sûr, je ne reviendrais jamais ici !
Le Ladak – bouddhiste – doit être beaucoup, beaucoup plus accueillant.
On est heureux lorsqu’on est enfin assis dans l’avion en direction d’Agra (c’est dire !).
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C’est super tendu le Cachemire. Ce n’est pas seulement à la frontière avec les Pakistanais. Même à Srinagar il y a régulièrement des émeutes, suivies de fortes répressions de la part de l’armée, les cachemiris se sentant occupés par l’Inde et souhaitant leur indépendance ou leur rattachement au Pakistan. Les discours des gens font froid dans le dos : pro daesh, anti Occident, complotistes, anti Hindous… Mais j’y ai quand même rencontré des personnes sympathiques et désintéressées (si, si ! Il y en a plein en Inde 😉). Pour un trek au Cachemire, il vaut mieux partir de Pahalgam. C’est tendu aussi, mais moins cher à priori. Sinon, Ladakh et Spiti évidemment ! Une prochaine fois ! 😀
Pro Daesh et anti-occident, c’est possible, en tout cas vraiment pas accueillant.
Anti-Hindou c’est évident. (D’ailleurs, c’est dans les deux sens ce racisme, j’ai l’impression).
Le sentiment anti islam et anti hindou existe dans toute l’Inde, ils ont quand même un passif de quelques siècles… Mais il ne me paraît pas aussi systématique et intense qu’au Cachemire. Les tensions politiques dues aux revendications nationalistes et aux ambitions du Pakistan (et de la Chine aussi) dans cette région ont clairement participé à la radicalisation des gens. Il faut se rappeler que des centaines de milliers d’Hindous ont dû fuir le cachemire il y a 20 ans, et les quelques milliers d’Hindous restant subissent régulièrement des attaques et des menaces. Pour le soutient à daesh et les théories du complot, plusieurs cachemiris m’en ont parlé, ils ne s’en cachent pas. Pour autant, en tant que touriste, peu de chance d’avoir des problèmes à Srinagar. Pas mal de gens vivent du tourisme dans cette ville.
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